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| | Les poèmes du mois de Septembre 2022 | |
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Auteur | Message |
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Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 2 Sep - 8:32 | |
| Titre : Absence Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : La comédie de la mort (1838).
Reviens, reviens, ma bien-aimée ! Comme une fleur loin du soleil, La fleur de ma vie est fermée Loin de ton sourire vermeil.
Entre nos cœurs tant de distance ! Tant d'espace entre nos baisers ! Ô sort amer ! Ô dure absence ! Ô grands désirs inapaisés !
D'ici là-bas, que de campagnes, Que de villes et de hameaux, Que de vallons et de montagnes, À lasser le pied des chevaux !
Au pays qui me prend ma belle, Hélas ! Si je pouvais aller ; Et si mon corps avait une aile Comme mon âme pour voler !
Par-dessus les vertes collines, Les montagnes au front d'azur, Les champs rayés et les ravines, J'irais d'un vol rapide et sûr.
Le corps ne suit pas la pensée ; Pour moi, mon âme, va tout droit, Comme une colombe blessée, S'abattre au rebord de son toit.
Descends dans sa gorge divine, Blonde et fauve comme de l'or, Douce comme un duvet d'hermine, Sa gorge, mon royal trésor ;
Et dis, mon âme, à cette belle : « Tu sais bien qu'il compte les jours, Ô ma colombe ! À tire d'aile Retourne au nid de nos amours. »
Théophile Gautier. |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 3 Sep - 9:17 | |
| Titre : À des amis qui partaient Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Poésies diverses (1838-1845).
Vous partez, chers amis ; la bise ride l'onde, Un beau reflet ambré dore le front du jour ; Comme un sein virginal sous un baiser d'amour, La voile sous le vent palpite et se fait ronde.
Une écume d'argent brode la vague blonde, La rive fuit. — Voici Mante et sa double tour, Puis cent autres clochers qui filent tour à tour ; Puis Rouen la gothique et l'Océan qui gronde.
Au dos du vieux lion, terreur des matelots, Vous allez confier votre barque fragile, Et flatter de la main sa crinière de flots.
Horace fit une ode au vaisseau de Virgile : Moi, j'implore pour vous, dans ces quatorze vers, Les faveurs de Thétis, la déesse aux yeux verts.
Théophile Gautier. |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 4 Sep - 8:09 | |
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Titre : À la Bidassoa Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Espana (1845).
À la Bidassoa, près d'entrer en Espagne, Je descendis, voulant regarder la campagne, Et l'île des Faisans, et l'étrange horizon, Pendant qu'on nous timbrait d'un nouvel écusson. Et je vis, en errant à travers le village, Un homme qui mettait des balles hors d'usage, Avec un gros marteau, sur un quartier de grès, Pour en faire du plomb et le revendre après. Car la guerre a versé sur ces terres fatales De son urne d'airain une grêle de balles, Une grêle de mort que nul soleil ne fond. Hélas ! Ce que Dieu fait, les hommes le défont ! Sur un sol qui n'attend qu'une bonne semaille De leurs sanglantes mains ils sèment la mitraille ! Aussi les laboureurs vendent, au lieu de blé, Des boulets recueillis dans leur champ constellé. Mais du ciel épuré descend la Paix sereine, Qui répand de sa corne une meilleure graine, Fait taire les canons à ses pieds accroupis, Et presse sur son cœur une gerbe d'épis.
Ecrit à Béhobie en 1840.
Théophile Gautier. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 6 Sep - 8:55 | |
| Titre : À Charles Baudelaire Poète : Paul Verlaine (1844-1896) Recueil : Liturgies intimes (1892).
Je ne t'ai pas connu, je ne t'ai pas aimé, Je ne te connais point et je t'aime encor moins : Je me chargerais mal de ton nom diffamé, Et si j'ai quelque droit d'être entre tes témoins,
C'est que, d'abord, et c'est qu'ailleurs, vers les Pieds joints D'abord par les clous froids, puis par l'élan pâmé Des femmes de péché - desquelles ô tant oints, Tant baisés, chrême fol et baiser affamé !
Tu tombas, tu prias, comme moi, comme toutes Les âmes que la faim et la soif sur les routes Poussaient belles d'espoir au Calvaire touché !
Calvaire juste et vrai, Calvaire où, donc, ces doutes, Ci, çà, grimaces, art, pleurent de leurs déroutes. Hein ? mourir simplement, nous, hommes de péché.
Paul Verlaine. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 7 Sep - 6:50 | |
| Titre : Ambition Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Poésies diverses (1838-1845).
Poète, dans les cœurs mettre un écho sonore, Remuer une foule avec ses passions, Écrire sur l'airain ses moindres actions, Faire luire son nom sur tous ceux qu'on adore ;
Courir en quatre pas du couchant à l'aurore, Avoir un peuple fait de trente nations, Voir la terre manquer à ses ambitions, Être Napoléon, être plus grand encore !
Que sais-je ? Être Shakespeare, être Dante, être Dieu ! Quand on est tout cela, tout cela, c'est bien peu : Le monde est plein de vous, le vide est dans votre âme...
Mais qui donc comblera l'abîme de ton cœur ? Que veux-tu qu'on y jette, ô poète ! Ô vainqueur ? — Un mot d'amour tombé d'une bouche de femme !
Théophile Gautier. |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 8 Sep - 7:14 | |
| Titre : À une robe rose Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Émaux et Camées (1852).
Que tu me plais dans cette robe Qui te déshabille si bien, Faisant jaillir ta gorge en globe, Montrant tout nu ton bras païen !
Frêle comme une aile d'abeille, Frais comme un coeur de rose-thé, Son tissu, caresse vermeille, Voltige autour de ta beauté.
De l'épiderme sur la soie Glissent des frissons argentés, Et l'étoffe à la chair renvoie Ses éclairs roses reflétés.
D'où te vient cette robe étrange Qui semble faite de ta chair, Trame vivante qui mélange Avec ta peau son rose clair ?
Est-ce à la rougeur de l'aurore, A la coquille de Vénus, Au bouton de sein près d'éclore, Que sont pris ces tons inconnus ?
Ou bien l'étoffe est-elle teinte Dans les roses de ta pudeur ? Non ; vingt fois modelée et peinte, Ta forme connaît sa splendeur.
Jetant le voile qui te pèse, Réalité que l'art rêva, Comme la princesse Borghèse Tu poserais pour Canova.
Et ces plis roses sont les lèvres De mes désirs inapaisés, Mettant au corps dont tu les sèvres Une tunique de baisers.
Théophile Gautier. |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 9 Sep - 6:26 | |
| Titre : Après le feuilleton Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Émaux et Camées (1852).
Mes colonnes sont alignées Au portique du feuilleton ; Elles supportent résignées Du journal le pesant fronton.
Jusqu'à lundi je suis mon maître. Au diable chefs-d'oeuvre mort-nés ! Pour huit jours je puis me permettre De vous fermer la porte au nez.
Les ficelles des mélodrames N'ont plus le droit de se glisser Parmi les fils soyeux des trames Que mon caprice aime à tisser.
Voix de l'âme et de la nature, J'écouterai vos purs sanglots, Sans que les couplets de facture M'étourdissent de leurs grelots.
Et portant, dans mon verre à côtes, La santé du temps disparu, Avec mes vieux rêves pour hôtes Je boirai le vin de mon cru :
Le vin de ma propre pensée, Vierge de toute autre liqueur, Et que, par la vie écrasée, Répand la grappe de mon coeur !
Théophile Gautier. |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 10 Sep - 11:20 | |
| Italie de mon enfance L’Italie est un rêve qui au fond de mon âme Chante et danse sans trêve, depuis qu'en mon enfance, J'ai passé mes étés dans ses villes, ses campagnes, Ses collines et vagues, tout au long des vacances. Je me souviens encore de ma grande surprise, Lorsque petite fille, les yeux écarquillés, J'ai vu là devant moi dans la cité de Pise Cette tour insolite, drôlement inclinée. En retenant mon souffle, devant telle merveille, J'empruntai l'escalier aux marches tant usées, Colimaçon de pierre s'élevant vers le ciel, Craignant à chaque pas de tout voir s'écrouler. Et comment oublier les couleurs de Venise ? Costumes chatoyants, masques, beaux vêtements ? Quand au grand carnaval, le monde se déguise, Pour le ravissement des petits et des grands. Il me reste en mémoire, entre autres souvenirs, Le doux clapotement de l'eau sous les gondoles, Et j'aimais sur la place San Marco courir, Pour que d'un seul élan tous les pigeons s'envolent. Je me rappelle aussi d'une nuit à Florence, Animée, lumineuse, d'agréable tiédeur, Où le pouvais laisser divaguer mon errance Noyée parmi le flot de joyeux promeneurs. Je regardais, charmée, les tableaux d'amateurs, Dans les rues exposées, à même les trottoirs, Et aussi quelques hommes, s'enlacer sans pudeur, Profitant pour s'aimer de la douceur du soir. Roméo et Juliette, leur tombeau à Vérone, Le Colisée de Rome, vestige du passé, Ces nombreux souvenirs, en mon esprit, fredonnent, Et j'ai parfois besoin de les laisser chanter. Liliane Rosati |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 11 Sep - 8:49 | |
| Titre : Barcarolle Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : La comédie de la mort (1838).
Dites, la jeune belle ! Où voulez-vous aller ? La voile ouvre son aile, La brise va souffler !
L'aviron est d'ivoire, Le pavillon de moire, Le gouvernail d'or fin ; J'ai pour lest une orange, Pour voile une aile d'ange, Pour mousse un séraphin.
Dites, la jeune belle ! Où voulez-vous aller ? La voile ouvre son aile, La brise va souffler !
Est-ce dans la Baltique, Sur la mer Pacifique, Dans l'île de Java ? Ou bien dans la Norvège, Cueillir la fleur de neige, Ou la fleur d'Angsoka ?
Dites, la jeune belle ! Où voulez-vous aller ? La voile ouvre son aile, La brise va souffler !
— Menez-moi, dit la belle, À la rive fidèle Où l'on aime toujours. — Cette rive, ma chère, On ne la connaît guère Au pays des amours.
Théophile Gautier. |
| | | CEDRIC Administrateur
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 11 Sep - 15:53 | |
| Merci a toi maya pour tous c'est poèmes. Bisous |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 12 Sep - 7:24 | |
| Avec plaisir Cédric bisous |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 12 Sep - 7:25 | |
| Titre : Au sommeil Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : La comédie de la mort (1838).
Sommeil, fils de la nuit et frère de la mort ; Écoute-moi, Sommeil : lasse de sa veillée, La lune, au fond du ciel, ferme l'œil et s'endort Et son dernier rayon, à travers la feuillée, Comme un baiser d'adieu, glisse amoureusement, Sur le front endormi de son bleuâtre amant, Par la porte d'ivoire et la porte de corne. Les songes vrais ou faux de l'Grèbe envolés, Peuplent seuls l'univers silencieux et morne ; Les cheveux de la nuit, d'étoiles d'or mêlés, Au long de son dos brun pendent tout débouclés ; Le vent même retient son haleine, et les mondes, Fatigués de tourner sur leurs muets pivots, S'arrêtent assoupis et suspendent leurs rondes.
Ô jeune homme charmant ! couronné de pavots, Qui tenant sur la main une patère noire, Pleine d'eau du Léthé, chaque nuit nous fais boire, Mieux que le doux Bacchus, l'oubli de nos travaux ; Enfant mystérieux, hermaphrodite étrange, Où la vie, au trépas, s'unit et se mélange, Et qui n'as de tous deux que ce qu'ils ont de beau ; Sous les épais rideaux de ton alcôve sombre, Du fond de ta caverne inconnue au soleil ; Je t'implore à genoux, écoute-moi, sommeil !
Je t'aime, ô doux sommeil ! Et je veux à ta gloire, Avec l'archet d'argent, sur la lyre d'ivoire, Chanter des vers plus doux que le miel de l'Hybla ; Pour t'apaiser je veux tuer le chien obscène, Dont le rauque aboiement si souvent te troubla, Et verser l'opium sur ton autel d'ébène. Je te donne le pas sur Phébus-Apollon, Et pourtant c'est un dieu jeune, sans barbe et blond, Un dieu tout rayonnant, aussi beau qu'une fille ; Je te préfère même à la blanche Vénus, Lorsque, sortant des eaux, le pied sur sa coquille, Elle fait au grand air baiser ses beaux seins nus, Et laisse aux blonds anneaux de ses cheveux de soie Se suspendre l'essaim des zéphirs ingénus ; Même au jeune Iacchus, le doux père de joie, A l'ivresse, à l'amour, à tout divin sommeil.
Tu seras bienvenu, soit que l'aurore blonde Lève du doigt le pan de son rideau vermeil, Soit, que les chevaux blancs qui traînent le soleil Enfoncent leurs naseaux et leur poitrail dans l'onde, Soit que la nuit dans l'air peigne ses noirs cheveux. Sous les arceaux muets de la grotte profonde, Où les songes légers mènent sans bruit leur ronde, Reçois bénignement mon encens et mes vœux, Sommeil, dieu triste et doux, consolateur du monde !
Théophile Gautier. |
| | | CEDRIC Administrateur
Messages : 2601 Date d'inscription : 02/11/2021 Age : 33 Localisation : Normandie Emploi/loisirs : Agent d'entretien Humeur : Bonne
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 12 Sep - 21:28 | |
| Merci a toi maya pour ce poème |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 13 Sep - 7:32 | |
| Avec plaisir Cédric
bisous |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 13 Sep - 7:32 | |
| Titre : Camélia et Pâquerette Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Émaux et Camées (1852).
On admire les fleurs de serre Qui loin de leur soleil natal, Comme des joyaux mis sous verre, Brillent sous un ciel de cristal.
Sans que les brises les effleurent De leurs baisers mystérieux, Elles naissent, vivent et meurent Devant le regard curieux.
A l'abri de murs diaphanes, De leur sein ouvrant le trésor, Comme de belles courtisanes, Elles se vendent à prix d'or.
La porcelaine de la Chine Les reçoit par groupes coquets, Ou quelque main gantée et fine Au bal les balance en bouquets.
Mais souvent parmi l'herbe verte, Fuyant les yeux, fuyant les doigts, De silence et d'ombre couverte, Une fleur vit au fond des bois.
Un papillon blanc qui voltige, Un coup d'oeil au hasard jeté, Vous fait surprendre sur sa tige La fleur dans sa simplicité.
Belle de sa parure agreste S'épanouissant au ciel bleu, Et versant son parfum modeste Pour la solitude et pour Dieu.
Sans toucher à son pur calice Qu'agite un frisson de pudeur, Vous respirez avec délice Son âme dans sa fraîche odeur.
Et tulipes au port superbe, Camélias si chers payés, Pour la petite fleur sous l'herbe En un instant, sont oubliés !
Théophile Gautier. |
| | | vevette17 Membres Féminin
Messages : 2109 Date d'inscription : 30/11/2021 Age : 53 Localisation : charente maritime Emploi/loisirs : voyante/médium/thérapeute Humeur : joie
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 13 Sep - 12:55 | |
| maya |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 14 Sep - 6:23 | |
| Avec plaisir Vevette
bisous |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 14 Sep - 6:23 | |
| Titre : Ce que disent les hirondelles Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : Émaux et Camées (1852).
Chanson d'automne.
Déjà plus d'une feuille sèche Parsème les gazons jaunis ; Soir et matin, la brise est fraîche, Hélas ! les beaux jours sont finis !
On voit s'ouvrir les fleurs que garde Le jardin, pour dernier trésor : Le dahlia met sa cocarde Et le souci sa toque d'or.
La pluie au bassin fait des bulles ; Les hirondelles sur le toit Tiennent des conciliabules : Voici l'hiver, voici le froid !
Elles s'assemblent par centaines, Se concertant pour le départ. L'une dit : " Oh ! que dans Athènes Il fait bon sur le vieux rempart !
" Tous les ans j'y vais et je niche Aux métopes du Parthénon. Mon nid bouche dans la corniche Le trou d'un boulet de canon. "
L'autre : " J'ai ma petite chambre A Smyrne, au plafond d'un café. Les Hadjis comptent leurs grains d'ambre Sur le seuil d'un rayon chauffé.
" J'entre et je sors, accoutumée Aux blondes vapeurs des chibouchs, Et parmi les flots de fumée, Je rase turbans et tarbouchs. "
Celle-ci : " J'habite un triglyphe Au fronton d'un temple, à Balbeck. Je m'y suspends avec ma griffe Sur mes petits au large bec. "
Celle-là : " Voici mon adresse : Rhodes, palais des chevaliers ; Chaque hiver, ma tente s'y dresse Au chapiteau des noirs piliers. "
La cinquième : " Je ferai halte, Car l'âge m'alourdit un peu, Aux blanches terrasses de Malte, Entre l'eau bleue et le ciel bleu. "
La sixième : " Qu'on est à l'aise Au Caire, en haut des minarets ! J'empâte un ornement de glaise, Et mes quartiers d'hiver sont prêts. "
" A la seconde cataracte, Fait la dernière, j'ai mon nid ; J'en ai noté la place exacte, Dans le pschent d'un roi de granit. "
Toutes : " Demain combien de lieues Auront filé sous notre essaim, Plaines brunes, pics blancs, mers bleues Brodant d'écume leur bassin ! "
Avec cris et battements d'ailes, Sur la moulure aux bords étroits, Ainsi jasent les hirondelles, Voyant venir la rouille aux bois.
Je comprends tout ce qu'elles disent, Car le poète est un oiseau ; Mais, captif ses élans se brisent Contre un invisible réseau !
Des ailes ! des ailes ! des ailes ! Comme dans le chant de Ruckert, Pour voler, là-bas avec elles Au soleil d'or, au printemps vert !
Théophile Gautier. |
| | | vevette17 Membres Féminin
Messages : 2109 Date d'inscription : 30/11/2021 Age : 53 Localisation : charente maritime Emploi/loisirs : voyante/médium/thérapeute Humeur : joie
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 14 Sep - 7:05 | |
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| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 15 Sep - 8:07 | |
| Avec plaisir Vevette
bisous |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 15 Sep - 8:08 | |
| Titre : Compensation Poète : Théophile Gautier (1811-1872) Recueil : La comédie de la mort (1838).
Il naît sous le soleil de nobles créatures Unissant ici-bas tout ce qu'on peut rêver, Corps de fer, cœur de flamme, admirables natures.
Dieu semble les produire afin de se prouver ; Il prend, pour les pétrir, une argile plus douce, Et souvent passe un siècle à les parachever.
Il met, comme un sculpteur, l'empreinte de son pouce Sur leurs fronts rayonnants de la gloire des cieux, Et l'ardente auréole en gerbes d'or y pousse.
Ces hommes-là s'en vont, calmes et radieux, Sans quitter un instant leur pose solennelle, Avec l'œil immobile et le maintien des dieux.
Leur moindre fantaisie est une œuvre éternelle ; Tout cède devant eux ; les sables inconstants Gardent leurs pas empreints, comme un airain fidèle.
Ne leur donnez qu'un jour ou donnez-leur cent ans, L'orage ou le repos, la palette ou le glaive : Ils mèneront à bout, leurs destins éclatants.
Leur existence étrange est le réel du rêve : Ils exécuteront votre plan idéal, Comme un maître savant le croquis d'un élève ;
Vos désirs inconnus, sous l'arceau triomphal Dont votre esprit en songe arrondissait la voûte, Passent assis en croupe au dos de leur cheval.
D'un pied sûr, jusqu'au bout ils ont suivi la route Où, dès les premiers pas, vous vous êtes assis, N'osant prendre une branche au carrefour du doute.
De ceux-là chaque peuple en compte cinq ou six, Cinq ou six tout au plus, dans les siècles prospères, Types toujours vivants dont on fait des récits.
Nature avare, ô toi, si féconde en vipères, En serpents, en crapauds tout gonflés de venins, Si prompte à repeupler tes immondes repaires,
Pour tant d'animaux vils, d'idiots et de nains, Pour tant d'avortements et d'œuvres imparfaites, Tant de monstres impurs échappés de tes mains,
Nature, tu nous dois encore bien des poètes !
Théophile Gautier. |
| | | vevette17 Membres Féminin
Messages : 2109 Date d'inscription : 30/11/2021 Age : 53 Localisation : charente maritime Emploi/loisirs : voyante/médium/thérapeute Humeur : joie
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 15 Sep - 11:53 | |
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| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 16 Sep - 5:01 | |
| Avec plaisir Vevette
bisous |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 16 Sep - 5:02 | |
| Titre : À la lumière Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Dans l'essaim nébuleux des constellations, Ô toi qui naquis la première, Ô nourrice des fleurs et des fruits, ô Lumière, Blanche mère des visions,
Tu nous viens du soleil à travers les doux voiles Des vapeurs flottantes dans l'air : La vie alors s'anime et, sous ton frisson clair, Sourit, ô fille des étoiles !
Salut ! car avant toi les choses n'étaient pas. Salut ! douce ; salut ! puissante. Salut ! de mes regards conductrice innocente Et conseillère de mes pas.
Par toi sont les couleurs et les formes divines, Par toi, tout ce que nous aimons. Tu fais briller la neige à la cime des monts, Tu charmes le bord des ravines.
Tu fais sous le ciel bleu fleurir les colibris Dans les parfums et la rosée ; Et la grâce décente avec toi s'est posée Sur les choses que tu chéris.
Le matin est joyeux de tes bonnes caresses ; Tu donnes aux nuits la douceur, Aux bois l'ombre mouvante et la molle épaisseur Que cherchent les jeunes tendresses.
Par toi la mer profonde a de vivantes fleurs Et de blonds nageurs que tu dores. Au ciel humide encore et pur, tes météores Prêtent l'éclat des sept couleurs.
Lumière, c'est par toi que les femmes sont belles Sous ton vêtement glorieux ; Et tes chères clartés, en passant par leurs yeux, Versent des délices nouvelles.
Leurs oreilles te font un trône oriental Où tu brilles dans une gemme, Et partout où tu luis, tu restes, toi que j'aime, Vierge comme en ton jour natal.
Sois ma force, ô Lumière ! et puissent mes pensées, Belles et simples comme toi, Dans la grâce et la paix, dérouler sous ta foi Leurs formes toujours cadencées !
Donne à mes yeux heureux de voir longtemps encor, En une volupté sereine, La Beauté se dressant marcher comme une reine Sous ta chaste couronne d'or.
Et, lorsque dans son sein la Nature des choses Formera mes destins futurs, Reviens baigner, reviens nourrir de tes flots purs Mes nouvelles métamorphoses.
Anatole France. |
| | | Maya
Messages : 630 Date d'inscription : 14/05/2022 Age : 72 Localisation : Guérande Emploi/loisirs : ordi et jardin Humeur : de mieux en mieux
| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 17 Sep - 6:43 | |
| Titre : Dédicace Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Vous souvient-il, cocodette un peu mûre Qui gobergez vos flemmes de bourgeoise, Du temps joli quand, gamine un peu sure, Tu m'écoutais, blanc-bec fou qui dégoise ?
Gardâtes-vous fidèle la mémoire, Ô grasse en des jerseys de poult-de-soie, De t'être plu jadis à mon grimoire, Cour par écrit, postale petite oye ?
Avez-vous oublié, Madame Mère, Non, n'est-ce pas, même en vos bêtes fêtes, Mes fautes de goût, mais non de grammaire, Au rebours de tes chères lettres bêtes ?
Et quand sonna l'heure des justes noces, Sorte d'Ariane qu'on me dit lourde, Mes yeux gourmands et mes baisers féroces À tes nennis faisant l'oreille sourde ?
Rappelez-vous aussi, s'il est loisible À votre coeur de veuve mal morose, Ce moi toujours tout prêt, terrible, horrible, Ce toi mignon prenant goût à la chose,
Et tout le train, tout l'entrain d'un manège Qui par malheur devint notre ménage. Que n'avez-vous, en ces jours-là, que n'ai-je Compris les torts de votre et de mon âge !
C'est bien fâcheux : me voici, lamentable Épave éparse à tous les flots du vice, Vous voici, toi, coquine détestable, Et ceci fallait que je l'écrivisse !
Anatole France. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 18 Sep - 6:28 | |
| Titre : La perdrix Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Sonnet.
Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison, Causa dans les blés verts une ardente querelle Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle, La compagne au bon cœur qui bâtit la maison
Et nourrit les petits aux jours de la moisson, Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle. C'est en vain qu'elle fuit dans l'air à tire-d'aile, Le plomb fait dans sa chair passer le grand frisson.
Son sang pur de couveuse à la chaleur divine Sur son corps déchiré mouille sa plume fine. Elle tournoie et tombe entre les joncs épais.
Dans les joncs, à l'abri de l'épagneul qui flaire, Triste, s'enveloppant de silence et de paix, Ayant fini d'aimer, elle meurt sans colère.
Anatole France. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 19 Sep - 7:55 | |
| Titre : La sagesse des griffons Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Revue L'Artiste (1870).
C'était la nuit ardente et le retour du bal ; Vaincue et triomphante et chastement lascive, Elle disait d'un ton de bien-être : J'ai mal !... Les roses s'effeuillaient sur sa tête pensive Où murmurait encor l'âme des violons ; Son pied avait parfois un spasme mélodique. Le mouchoir de dentelle au bout de ses doigts longs Glissait ; et sur les bras du fauteuil héraldique, Ses bras minces et blancs s'allongeaient mollement, Nus, et laissaient tomber le fragile corsage, Si bien que, sur le sein, à chaque battement, L'ombre qui rend songeur se creusait davantage Dans la blancheur de sa chair de camélia. Mais soulevant ses bras, lianes odorantes, Lentement sur mon col, douce, elle les lia, Et soupira : Toujours ! de ses lèvres mourantes. Sur sa tête d'enfant penchée au poids des fleurs Le dossier droit et haut montait lourd de ténèbres, Et sur sa nuque folle aux neigeuses fraîcheurs Les Griffons lampassés prenaient des airs funèbres, Car ils remémoraient, en de calmes ennuis, La longue obsession de leurs regards de chêne : Les bras évanouis des anciennes nuits Qui tous voulaient jeter une éternelle chaîne, Insensés ! sur le cou docile de l'aimé, Ne sachant pas qu'au fond des demeures affreuses, Tout seuls, pliés en croix sur le sein accalmé, Ils s'en iraient où vont les bras des amoureuses. Car les Griffons debout au chevet féodal, Chimériques témoins de mes belles chimères, S'étaient enfin lassés d'entendre, après le bal, Les serments éternels des bouches éphémères.
Anatole France. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 20 Sep - 6:29 | |
| Titre : L'autographe Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Revue L'Artiste (1870).
À Étienne Charavay.
Cette feuille soupire une étrange élégie, Car la reine d'Écosse aux lèvres de carmin Qui récitait Ronsard et le Missel romain, A mis là pour jamais un peu de sa magie.
La Reine blonde avec sa débile énergie Signa Marie au bas de ce vieux parchemin, Et le feuillet pensif a tiédi sous sa main Que bleuissait un sang fier et prompt à l'orgie.
Là de merveilleux doigts de femme sont passés Tout empreints du parfum des cheveux caressés Dans le royal orgueil d'un sanglant adultère.
J'y retrouve l'odeur et les reflets rosés De ces doigts aujourd'hui muets, décomposés, Changés peut-être en fleurs dans un champ solitaire.
Anatole France. |
| | | vevette17 Membres Féminin
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 20 Sep - 17:59 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 6:06 | |
| Avec plaisir Vevette
bisous |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 6:06 | |
| Titre : La vision des ruines Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Le fleuve qui, libre et tranquille, Traîne ses marnes et ses eaux Au milieu des pâles roseaux. Presse en ses bras une longue île,
Qui semble un navire échoué Par quelque héroïque aventure, Perdant sa forme et sa nature. Dormeur à l'oubli dévoué.
Le cri rauque et le vol des grues Percent les nuages blafards ; Les cygnes et les verts canards Voguent au fil des eaux accrues.
Dans l'île, un portail et deux tours, Retraite aux hiboux familière. Dressent sous la mousse et le lierre Leurs profils noirs, douteux et lourds.
De maigres figures de pierre Gisant dans les iris épais, Les mains jointes, suivent en paix Le rêve qui clôt leur paupière.
Tous ceux-là dont le vent du nord Ronge avec lenteur les images, Anges et rois, vierges et mages, Ont grandement aimé la mort ;
Car la roideur de leur stature Et l'aridité de leur chair Font voir combien il leur fut cher D'aspirer à la sépulture.
De longtemps ne sera troublé Le silence de l'île sainte : Dans le fleuve dont elle est ceinte Le dos des ponts s'est écroulé.
N'est-ce pas là le berceau rude De la grande et belle cité, Qui plus tard avec volupté S'assit dans cette solitude ?
Mais la terre avare a repris Les pierres des quais et des rues, Et les demeures disparues Gisent sous les tertres fleuris.
Au sud de l'île, une colline Couronne d'un amas confus De murs, de chapiteaux, de fûts. Ses flancs où le thuya s'incline.
Les marais coassent, le soir. Vers l'ouest, loin dans la plaine verte, Une porte se dresse ouverte Sur le ciel pluvieux et noir.
Sculptés aux parois triomphales, Des hommes, des bœufs, des chevaux, Rappelant d'antiques travaux. Se brisent au choc des rafales.
Et vers le nord, mais moins avant, Candélabres, balustres, dalles. Escaliers, murs en longs dédales. Sonnent avec langueur au vent.
Ruines d'un temple où des lyres Pendent à des chevilles d'or, Où des pieds de nymphes encor Dansent en de joyeux délires.
Muette, la maison des Rois Est assise, comme une veuve, Sur la rive droite du fleuve. Dans les nymphéas blancs et froids ;
Elle mire dans les eaux blêmes Ce qui lui reste de joyaux Et répand ses colliers royaux De chiffres noués et d'emblèmes ;
Sur un pavillon, les pâleurs De la lune, au bord d'une nue, Animent une forme nue Qui sourit et verse des fleurs :
C'est un corps de femme accroupie, Un corps lascif, jeune et lassé, Qui fut sans doute caressé Par le regard d'un siècle impie.
Anatole France. |
| | | vevette17 Membres Féminin
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 21 Sep - 19:16 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 22 Sep - 7:34 | |
| Avec plaisir Vevette
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 22 Sep - 7:35 | |
| Titre : Le captif Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Idylles et légendes (1873).
Il est, non loin des tièdes syrtes Où bleuit la mer en repos, Un bois d'orangers et de myrtes Dont n'approchent point les troupeaux.
Là, sous l'ombre antique d'un arbre, Un satyre, ouvrage divin, Sourit dans sa gaine de marbre, Comme réjoui par le vin.
Il a des oreilles aiguës Que dresse un frémissement prompt ; De jeunes cornes invaincues Reluisent sur son mâle front ;
On voit que ses larges narines Portent à ses heureux esprits La fraîcheur des brises marines Et les parfums des bois fleuris ;
Les coins soulevés de ses lèvres Rappellent le falerne bu ; Deux glandes, comme en ont les chèvres, Pendent sous son menton barbu.
Captif du socle pentélique, Languit un triste adolescent Le dieu, de son regard oblique, Lui verse un rayon caressant.
Mais lui, l'enfant aux ailes blanches, Lève, des yeux brillants de pleurs, A cause de ses molles hanches, De ses bras liés par des fleurs.
Les larmes sur sa belle joue, Mouillent sa chevelure d'or. Parfois ses ailes qu'il secoue Méditent l'impossible essor.
Et tant que le soleil éclaire Le bois chaste et silencieux, Les fiers desseins et la colère Enflamment ses humides yeux.
Mais quand vient l'ombre transparente Ramener les Nymphes en choeur, Il rit, et sa chaîne odorante Enivre doucement son coeur.
Anatole France. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Ven 23 Sep - 6:00 | |
| Titre : Le chêne abandonné Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil, Le grand chêne noueux, le père de la race, Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.
Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre, Robuste, il a nourri ses siècles florissants, Fait bouillonner la sève en ses membres puissants, Et respiré le ciel avec sa tête sombre.
Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs Sinistrement dressés sur sa couronne verte ; Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.
La sève du printemps vient irriter l'ulcère Que suinte la torpeur de ses âcres tissus. Tout un monde pullule en ses membres moussus, Et le fauve lichen de sa rouille l'enserre.
Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui Se brise sur son corps et tombe. Un vent d'orage Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage, Et peut-être qu'il doit s'écrouler aujourd'hui.
Car déjà la chenille aux anneaux d'émeraude Déserte lentement son feuillage peu sûr ; D'insectes soulevant leurs élytres d'azur Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;
Dès hier, un essaim d'abeilles a quitté Sa demeure d'argile aux branches suspendue ; Ce matin, les frelons, colonie éperdue, Sous d'autres pieds rameux transportaient leur cité ;
Un lézard, sur le tronc, au bord d'une fissure, Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ; Et voici qu'inondant l'arbre glacé, la nuit Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure.
Anatole France. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 24 Sep - 7:06 | |
| L'automne Aujourd'hui c'est l'automne Et le tonnerre tonne. C'est bien l'automne féerique Et les feuilles mortes Petit à petit tombent inertes Dans ce pré vert poétique. Et maintenant tu t'étonnes Qu'il pleuve plus souvent, Qu'il y ai des averses et du vent ! Que l'été soit atone. Mais hélas oui je te le dis C'est vraiment l'automne depuis lundi. L'automne C'est la saison mélancolique Où tout deviens bucolique Où tout sent le pathétique Où le parfum des jours est poétique C'est l'automne, saison de transition. Jean Rieu |
| | | vevette17 Membres Féminin
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Sam 24 Sep - 13:51 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 25 Sep - 6:22 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Dim 25 Sep - 6:23 | |
| Titre : Le refus Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Idylles et légendes (1873).
Au fond de la chambre élégante Que parfuma son frôlement, Seule, immobile, elle dégante Ses longues mains, indolemment.
Les globes chauds et mâts des lampes Qui luisent dans l'obscurité, Sur son front lisse et sur ses tempes Versent une douce clarté.
Le torrent de sa chevelure, Où l'eau des diamants reluit, Roule sur sa pâle encolure Et va se perdre dans la nuit.
Et ses épaules sortent nues Du noir corsage de velours, Comme la lune sort des nues Par les soirs orageux et lourds.
Elle croise devant la glace, Avec un tranquille plaisir, Ses bras blancs que l'or fin enlace Et qui ne voudraient plus s'ouvrir,
Car il lui suffit d'être belle : Ses yeux, comme ceux d'un portrait, Ont une fixité cruelle, Pleine de calme et de secret ;
Son miroir semble une peinture Que quelque vieux maître amoureux Offrit à la race future, Claire sur un fond ténébreux,
Tant la beauté qui s'y reflète A d'orgueil et d'apaisement, Tant la somptueuse toilette Endort ses plis docilement,
Et tant cette forme savante Paraît d'elle-même aspirer A l'immobilité vivante Des choses qui doivent durer.
Pendant que cette créature, Rebelle aux destins familiers, Divinise ainsi la Nature De sa chair et de ses colliers,
Le miroir lui montre, dans l'ombre, Son amant doucement venu, Au bord de la portière sombre, Offrir son visage connu.
Elle se retourne sereine, Dans l'amas oblique des plis, Qu'en soulevant la lourde traîne Son talon disperse, assouplis,
Darde, sans pitié, sans colère, La clarté de ses grands yeux las, Et, d'une voix égale et claire, Dit : " Non ! je ne vous aime pas. "
Anatole France. |
| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 26 Sep - 7:09 | |
| Titre : Les arbres Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Ô vous qui, dans la paix et la grâce fleuris, Animez et les champs et vos forêts natales, Enfants silencieux des races végétales, Beaux arbres, de rosée et de soleil nourris,
La Volupté par qui toute race animée Est conçue et se dresse à la clarté du jour, La mère aux flancs divins de qui sortit l'Amour, Exhale aussi sur vous son haleine embaumée.
Fils des fleurs, vous naissez comme nous du Désir, Et le Désir, aux jours sacrés des fleurs écloses, Sait rassembler votre âme éparse dans les choses, Votre âme qui se cherche et ne se peut saisir.
Et, tout enveloppés dans la sourde matière Au limon paternel retenus par les pieds, Vers la vie aspirant, vous la multipliez, Sans achever de naître en votre vie entière.
Anatole France. |
| | | vevette17 Membres Féminin
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Lun 26 Sep - 23:35 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 27 Sep - 7:04 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 27 Sep - 7:04 | |
| Titre : Les cerfs Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures Que le vent automnal emplit de longs murmures, Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers : Depuis l'heure du soir où leur fureur errante Les entraîna tous deux vers la biche odorante, Ils se frappent l'un l'autre à grands coups d'andouillers.
Suants, fumants, en feu, quand vint l'aube incertaine, Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine, Puis d'un choc plus terrible ils ont mêlé leurs bois. Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grêle ; Ils halètent, ils sont fourbus, leur jarret grêle Flageole du frisson de leurs prochains abois.
Et cependant, tranquille et sa robe lustrée, La biche au ventre clair, la bête désirée Attend ; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux ; Elle écoute passer les souffles et les râles ; Et, tiède dans le vent, la fauve odeur des mâles D'un prompt frémissement effleure ses naseaux.
Enfin l'un des deux cerfs, celui que la Nature Arma trop faiblement pour la lutte future, S'abat, le ventre ouvert, écumant et sanglant. L'oeil terne, il a léché sa mâchoire brisée ; Et la mort vient déjà, dans l'aube et la rosée, Apaiser par degrés son poitrail pantelant.
Douce aux destins nouveaux, son âme végétale Se disperse aisément dans la forêt natale ; L'universelle vie accueille ses esprits : Il redonne à la terre, aux vents aromatiques, Aux chênes, aux sapins, ses nourriciers antiques, Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu'il leur a pris.
Telle est la guerre au sein des forêts maternelles. Qu'elle ne trouble point nos sereines prunelles : Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois, Car son âme confuse et vaguement ravie A dans les jours de paix goûté la douce vie : Son âme s'est complu, muette, au sein des bois.
Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide, La peur est ignorée et la mort est rapide ; Aucun être n'existe ou ne périt en vain. Et le vainqueur sanglant qui brame à la lumière, Et que suit désormais la biche douce et fière, A les reins et le coeur bons pour l'oeuvre divin.
L'Amour, l'Amour puissant, la Volupté féconde, Voilà le dieu qui crée incessamment le monde, Le père de la vie et des destins futurs ! C'est par l'Amour fatal, par ses luttes cruelles, Que l'univers s'anime en des formes plus belles, S'achève et se connaît en des esprits plus purs.
Anatole France. |
| | | vevette17 Membres Féminin
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mar 27 Sep - 20:14 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 28 Sep - 7:05 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 28 Sep - 7:05 | |
| Titre : Les sapins Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
On entend l'Océan heurter les promontoires ; De lunaires clartés blêmissent le ravin Où l'homme perdu, seul, épars, se cherche en vain ; Le vent du nord, sonnant dans les frondaisons noires, Sur les choses sans forme épand l'effroi divin.
Paisibles habitants aux lentes destinées, Les grands sapins, pleins d'ombre et d'agrestes senteurs, De leurs sommets aigus couronnent les hauteurs ; Leurs branches, sans fléchir, vers le gouffre inclinées, Tristes, semblent porter d'iniques pesanteurs.
Ils n'ont point de ramure aux nids hospitalière, Ils ne sont pas fleuris d'oiseaux et de soleil, Ils ne sentent jamais rire le jour vermeil ; Et, peuple enveloppé dans la nuit familière, Sur la terre autour d'eux pèse un muet sommeil.
La vie, unique bien et part de toute chose, Divine volupté des êtres, don des fleurs, Seule source de joie et trésor de douleurs, Sous leur rigide écorce est cependant enclose Et répand dans leur corps ses secrètes chaleurs.
Ils vivent. Dans la brume et la neige et le givre, Sous l'assaut coutumier des orageux hivers, Leurs veines sourdement animent leurs bras verts, Et suscitent en eux cette gloire de vivre Dont le charme puissant exalte l'univers.
Pour la fraîcheur du sol d'où leur pied blanc s'élève, Pour les vents glacials, dont les tourbillons sourds Font à peine bouger leurs bras épais et lourds, Et pour l'air, leur pâture, avec la vive sève, Coulent dans tout leur sein d'insensibles amours.
En souvenir de l'âge où leurs aïeux antiques, D'un givre séculaire étreints rigidement, Respiraient les frimas, seuls, sur l'escarpement Des glaciers où roulaient des îlots granitiques, L'hiver les réjouit dans l'engourdissement.
Mais quand l'air tiédira leurs ténèbres profondes, Ils ne sentiront pas leur être ranimé Multiplier sa vie au doux soleil de mai, En de divines fleurs d'elles-mêmes fécondes, Portant chacune un fruit dans son sein parfumé.
Leurs flancs s'épuiseront à former pour les brises Ces nuages perdus et de nouveaux encor, En qui s'envoleront leurs esprits, blond trésor, Afin qu'en la forêt quelques grappes éprises Tressaillent sous un grain de la poussière d'or.
Ce fut jadis ainsi que la fleur maternelle Les conçut au frisson d'un vent mystérieux ; C'est ainsi qu'à leur tour, pères laborieux, Ils livrent largement à la brise infidèle La vie, immortel don des antiques aïeux.
Car l'ancêtre premier dont ils ont reçu l'être Prit sur la terre avare, en des âges lointains, Une rude nature et de mornes destins ; Et les sapins, encor semblables à l'ancêtre, Éternisent en eux les vieux mondes éteints.
Anatole France. |
| | | vevette17 Membres Féminin
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Mer 28 Sep - 13:50 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 29 Sep - 6:11 | |
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| | | Maya
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 29 Sep - 6:12 | |
| Titre : Vénus, étoile du soir Poète : Anatole France (1844-1924) Recueil : Les poèmes dorés (1873).
La nuit vient nous ravir en ses puissants arcanes ; L'ombre avec des frissons envahit les platanes ; De légères vapeurs montent des chemins creux. Les vieillards sont assis, et les voix alternées Sous le feuillage obscur se perdent égrenées. C'est l'heure où l'esprit rêve, heureux ou malheureux.
Le crépuscule expire et les étoiles blanches Commencent en tremblant à poindre dans les branches. Au regard exalté qui songe et les poursuit, Voici que la plus belle allume la première A l'occident pâli sa vibrante lumière, Vénus splendide et chaste, honneur de notre nuit.
Depuis qu'ils ont chéri l'amour et sa souffrance. Les hommes ont fait part de leur brève espérance A cet astre indulgent qui ramène le soir. — Si tu retiens mes yeux, Vénus; si ma pensée Au sein du mol éther vers toi s'est élancée. C'est toi seule et c'est toi toute que je veux voir.
J'ai surpris tes secrets : O céleste jumelle De la Terre, astre cher qui mourras avec elle. Tes destins sont pareils aux destins de ta sœur. Le même soleil t'aime; et ce père des flammes Jette en ton sein fleuri la vie, orgueil des âmes. La nuit ainsi qu'à nous te verse sa douceur.
Monde, tu fais rouler dans la pâle étendue La forme avec l'amour à tes flancs suspendue ; Tu livres aux troupeaux tes champs hospitaliers ; Tes mers ont leurs nageurs, et des siècles de fauves Ont rugi le désir aux creux de tes rocs chauves ; Tes deux pôles de glace ont de blancs familiers.
Des reptiles, traînant leurs épais cartilages, De leurs sillons visqueux souillaient tes chaudes plages, Au temps où tu naissais dans les limons marins. Et maintenant, mangeurs de chair ou d'herbe grasse. Des êtres réjouis dans la force et la grâce. Nés de ton corps adulte, ornent tes jours sereins.
Un air rouge et vibrant, semé de feux intimes. Sur tes roides hauteurs dont nul n'a vu les cimes. Nourrit avec excès de larges floraisons. De grands lis pleins d'odeurs et de phosphorescences, Les longs fûts des palmiers aux salubres essences, Et des gerbes de dards exhalant leurs poisons.
Des îles en leurs lits récents de madrépores, Vierges, sous le vent frais plein de baisers sonores. Conçoivent les doux fruits des continents lointains De grands oiseaux guerriers s'assemblent, race antique, Dans les sombres vapeurs de ton ciel magnétique. Sous les cratères noirs de tes volcans éteints.
Et des guetteurs, du haut des roches caverneuses. Lourds, velus, déployant leurs ailes membraneuses. De nocturnes regards éclairent les granits : Ils veillent, attendant que l'aire obscure dorme ; Ils vont se laisser choir, et sous leur masse énorme Lentement étouffer les couples dans les nids.
Vénus, ô grande mère aux entrailles brûlantes. Mère des animaux avides et des plantes. Tout ce que tu contiens de divine chaleur Dans un fécond travail a gonflé tes mamelles. En allaitant, Vénus, tes nourrissons, tu mêles Largement en leur sang la joie et la douleur.
Mais lorsque après tes nuits, tes sombres nuits sans lune, Derrière l'Océan qui gémit sur la dune, Immense et près de toi se lève le soleil, Est-il, pour réfléchir ton ciel qui s'illumine, Un regard où reluit la tristesse divine. Un regard anxieux et fier, au mien pareil ?
Nourris-tu des vivants de qui l'âme profonde Te contient tout entier dans elle-même, ô monde ! Et qui sont ta vertu, ta splendeur et tes dieux ? N'as-tu pas enfanté des rois, frères des hommes, Qui, superbes, hardis, pensifs, tels que nous sommes, Seuls portent haut leur front et regardent les cieux ?
Ces princes, nos égaux, recherchent-ils les causes, La raison et la fin, la nature des choses ? Quels désirs, quels espoirs gonflent leurs cœurs puissants ! Ont-ils, promptes sans cesse à verser les dictâmes. Des mères et des sœurs belles comme nos femmes. Triomphe de la vie et délices des sens ?
Oh ! les meilleurs d'entre eux, dans la nuit solitaire, Levant leur front blanchi d'un reflet de la terre, Ont souvent médité les travaux de nos jours. Connaître pour aimer, tel est la loi de l'être ; Et, dans leur mâle ardeur d'étreindre et de connaître. Ils ont jusqu'à la terre étendu leurs amours.
L'esprit cherche l'esprit dans l'étoile prochaine ; Et, jetant dans l'espace une mystique chaîne, Eux en nous, nous en eux, nous nous glorifions. Tant il est naturel de sortir de soi-même, Tant nous portons au cœur le besoin qu'on nous aime. Tant notre âme de feu jette loin ses rayons.
Anatole France. |
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| Sujet: Re: Les poèmes du mois de Septembre 2022 Jeu 29 Sep - 20:52 | |
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